Monique
Kuffer Grotte-sque, installation,
baguettes de bambou et goupilles fendues, dimensions variables, 2016
Originaire de Nyon et née en 1959, Monique
Kuffer est une artiste aux multiples ressources. En effet, après avoir réalisé
une année d’études préparatoires à l’école des arts décoratifs de Genève, elle
part étudier d’abord en Angleterre, puis en Amérique. C’est donc au collègue
des arts et design de Minneapolis dans le Minnesota que l’artiste va réaliser
un Bachelor en sculpture et dessin. S’en suivent plusieurs Masters dans des
domaines aussi divers qu’intéressants tel que les ressources humaines, la
gestion de projet ou encore des études sur l’architecture et le paysage. Ainsi
dotée d’un large spectre de connaissances, Monique Kuffer va se servir de ce
savoir dans son œuvre pour développer une pensée artistique complexe et transdisciplinaire.
Toujours en résonnance avec leur lieu
d’exposition, les œuvres de Monique Kuffer se présentent la plupart du temps
sous forme d’installation temporaire. L’artiste travaille volontiers avec des
maquettes, des images de celles-ci et des croquis pour
débuter un projet, cependant elle crée ses œuvres in situ se laissant ainsi
toujours une marge de liberté dans le processus de création. Très fluides et légers,
les travaux de l’artiste jouent avec la lumière, les matières, les rythmes et l’espace,
traduisant son intérêt pour l’architecture et la structure.
Fidèle à ces caractéristiques, l’œuvre d’art
intitulée Grotte-sque est une œuvre
unique à l’aspect rythmé, épuré et esthétique. Pour ce travail, cette dernière
s’est s’intéressée à la structure
chimique de certains éléments tels que le phosphore par exemple. Ainsi,
l’artiste a étudié l’organisation de la matière, pour finir par relever un
modèle qu’elle utilise dans son œuvre. Les baguettes de bambou de 25 cm de
longs sont reliées les unes aux autres grâce à des goupilles fendues.
L’assemblage de ces baguettes forme dès lors une structure poétique et magique
à la fois, rappelant ainsi l’aspect d’une grotte, fin rappel au titre de cette
installation. Le regard du spectateur se porte d’abord sur la structure très
géométrique créée par les entrelacs des matériaux, puis lorsqu’il s’approche et
entre dans l’espace de l’œuvre, il se rend compte que les hexagones formés par
les bambous prennent vie de manière très rythmée et systématique. La structure
plane devient alors une base fluide qui se transforme et gagne en profondeur
tels les chromosomes d’une cellule. Grâce à un transfert de motifs, le
spectateur perçoit un effet d’optique à travers lequel les carrelages du mur du
centre d’art prennent vie dans l’espace de ces derniers. Les murs, le sol et
l’espace ne font alors plus qu’un, formant un ensemble à l’instar du dieu grec
Pan qui représentait le Tout, l’Univers.
Mi-homme mi-bouc, le dieu Pan cristallise une
dualité et un ensemble à la fois. Ces deux notions se retrouvent dans le
travail de Monique Kuffer. Le motif du carrelage est utilisé pour la structure
plane de l’installation. Répété plusieurs fois et assemblé, le motif forme
alors des parties en trois dimensions. La complémentarité des structures forme un
ensemble, un tout. Une question se pose alors : quelle partie de
l’installation de l’artiste est-elle la plus vivante ? Quand bien même les
parties en trois dimensions semblent avoir gagné en profondeur, ces dernières
sont à la fois rattachées les unes aux autres et par conséquent plus figées
dans l’espace.
Avec un rendu géométrique, esthétique et organique
qui va non sans rappeler celui d’un squelette, l’artiste vaudoise symbolise le
processus de création de la matière et questionne ainsi le fondement même de la
vie : comment les cellules s’associent-elles de manière à créer de la matière,
un ensemble, en tout ?
Cleoriana Benacloche, historienne de l’art